Chemins IIc (note de l'auteur)
Chemins IIc
pour clarinette basse et orchestre (1972)
La meilleure façon d’analyser et commenter une œuvre musicale a été toujours d’en écrire une autre à partir des matériaux de l’œuvre originale; elle devient ainsi l’objet d’une exploration créatrice qui en est à la fois une analyse, un commentaire et une extension. Les commentaires les plus efficaces d’une symphonie ou d’un opéra ont toujours été une autre symphonie ou un autre opéra. En ce sens mes Chemins, qui citent, traduisent, amplifient et transcrivent mes Sequenze pour instrument solo, ce sont aussi les meilleures analyses des Sequenze. Ils constituent un ensemble de commentaires spécifiques qui comprennent en soi, presque intégralement, objet et sujet du commentaire: les Chemins ne sont pas le résultat du déplacement d’un objet trouvé dans un nouveau contexte, ni une simple métamorphose orchestrale d’une pièce pour instrument solo (la Sequenza originale), mais plutôt un commentaire lié à celle-là et par celle-là même engendré. L’ensemble instrumental explicite et développe les processus musicaux latents et comprimés dans le discours du soliste, en amplifiant aussi les relations temporelles: parfois les rôles sont invertis et c’est la partie du soliste qui semble être engendrée par son propre commentaire.
Pourquoi, en fait, cette insistance à vouloir élaborer et transformer le même matériau musical? Peut-être est-ce un tribut à l’idée que rien de ce qu’on achève, en soi, est jamais fini. Même l’œuvre «achevée» est rituel et commentaire de quelque chose qui est venu avant, de quelque chose qui viendra après, comme une question qui ne provoque pas de réponse mais encore un commentaire, et une autre question...
Chemins II, pour alto et neuf instruments, a été écrit en 1967 pour Walter Trampler. À partir de cette pièce j’ai développé ensuite d’autres «solutions»: Chemins IIb pour orchestre (1970) et Chemins IIc pour clarinette basse et orchestre (1972). Ces trois Chemins se rattachent l’un à l’autre comme les différentes couches d’un oignon: distinctes, séparées et pourtant dessinées l’une sur l’autre. Chaque couche détermine une surface nouvelle mais reliée aux autres, tandis que chaque couche précédente prend une nouvelle fonction dès qu’elle est recouverte par la couche suivante. Chemins IIc est l’étape la plus éloignée du modèle original, où j’ai développé la possibilité d’une mélodie qui était implicite dans Chemins II, en intégrant et superposant la clarinette basse dans son rôle de soliste.
Luciano Berio
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