Katia & Marielle Labèque
Nous nous souviendrons toujours de ce concert ou maman nous avait emmenées et nous étions sous le choc de découvrir cette œuvre incroyable qu’est Sinfonia.
Nous l’avons rencontré ensuite dans les coulisses ; il racontait souvent qu’il a vu arriver cette maman italienne avec ces deux filles, et que nous étions toutes petites mais, avec l’aplomb qui caractérise les jeunes enfants, nous lui avons demandé immédiatement de nous écrire quelque chose !
Venant de deux parfaites inconnues, ça l’avait fait beaucoup rire et il nous avait répondu qu’il ne savait pas comment nous jouions. On ne s’est pas démontées pour autant et on lui a dit de venir à la maison et que nous jouerions pour lui.
Ce qu’il a fait : il est arrivé après le concert, a minuit, et nous avons joué entièrement les Visions de l’Amen d’Olivier Messiaen !
Ensuite nous ne nous sommes plus quittés. Il a eu tellement d’influence sur notre vie de musiciennes. On se souvient de ces longues soirées passées avec Cathy Berberian et John McLaughlin à la guitare, et Luciano qui voulait aussi chanter les standards de jazz ou les chansons des Beatles, ou aussi des soirées de musique de chambre à Paris lorsqu’il était a l’Ircam. Il prenait souvent le piano pour jouer lui même !
Il était infatigable, sans aucune barrière musicale et sans aucune prétention.
C’était tellement facile d’apprendre avec lui.
Il a été notre mentor et notre ami pendant toutes ces années jusqu'à la fin de sa vie. Il nous avait aussi caché sa maladie pour ne pas nous inquiéter et nous avons appris sa disparition à Barcelone avant de monter sur scène. Nous étions en larmes et nous lui avons dédié le concert. Nous venions de perdre notre « père » musical.
Katia et Marielle Labèque
[Lettera manoscritta di L. Berio; archivio privato di K. e M. Labèque, per gentile concessione]
[Luciano Berio, Souvenir d'Hendaye (sur A.D.A.), omaggio privato ad Ada e Pierre Labèque. Archivio privato di K. e M. Labèque, per gentile concessione]